L’Unédic simule
Voici un exemple des simulations de l’Unédic : « L’objectif d’équilibre des comptes des annexes 8 et 10 est peu réaliste » précise le rapport de la commission. « Se pose en revanche la question d’un éventuel « bon » niveau de déficit, qui suppose de mesurer le surcoût imputable à la spécificité des règles de ces deux annexes.
Simulation Unédic Annexe 4
Interrogée sur ce point lors de son audition, la direction de l’Unédic a pu faire état des résultats de la simulation d’un « basculement » des intermittents du spectacle sur l’annexe 4 de la convention d’Assurance-Chômage, à comportements inchangés.» Autrement dit, on appliquerait, en l’état, à la population actuelle des intermittents du spectacle, les règles appliquées aux intérimaires puis on analyse les conséquences :
Ainsi, selon l’Unédic, en alignant les règles des annexes 8 et 10 sur celles du Régime Général :
– on accorderait aux intermittens non seulement une durée d’affiliation plutôt avantageuse en considérant que 5 heures de travail égalent un jour (alors que le nombre d’heures travaillées est respectivement de 6,8 et 10 heures par jour pour les allocataires des annexes 8 et 10 en raison du système de conversion des cachets), mais aussi un salaire journalier de référence plus élevé en raison du fractionnement des contrats.
– pour l’ouverture de nouveaux droits, l’augmentation de la période de référence n’aurait pas de conséquence,
– la durée maximale de droit moyenne diminuerait, en s’établissant à 140 jours contre 243 jours,
– le montant de l’allocation journalière moyenne augmenterait, pour s’établir à 81 euros contre 58 euros aujourd’hui (soit 88 euros contre 63 euros pour l’annexe 8 et 74 euros contre 54 euros pour l’annexe 10).
Et que dit le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social à ce sujet ?
« Je l’ai souvent dit : l’Assurance-Chômage est l’amortisseur social le plus efficace en cas de crise, en particulier en cas de chômage massif comme aujourd’hui. Il est donc parfaitement logique que le régime de l’Assurance-Chômage soit déficitaire quand le chômage atteint les niveaux que nous connaissons actuellement. Il serait tout à fait dommageable de chercher à rééquilibrer brutalement les comptes de l’Unédic quand aujourd’hui, nous comptons plus de 3 millions de demandeurs d’emploi sans activité et 4,6 millions en y intégrant les chômeurs ayant une activité réduite. (…)
Beaucoup, à l’instar de la Cour des comptes, aiment à imputer un déficit de 1 milliard d’euros au régime des intermittents. Il me semble qu’il y a, en la matière, une forme d’incompréhension de la logique même du régime assurantiel.
Qu’en est-il concrètement ? L’Assurance-Chômage est bâtie sur une logique de solidarité interprofessionnelle, propre à la plupart des régimes de Sécurité Sociale. Sur cette base, il est logique que ceux qui connaissent le plus de risques, comme les intermittents mais également les salariés en CDD ou en mission d’intérim, bénéficient de l’appui de ceux qui ne connaîtront pas ou peu le chômage. Certains cotiseront à l’Unédic toute leur carrière, sans jamais avoir à passer par la case chômage – et tant mieux pour eux. Chercher à identifier un « déficit » propre à une catégorie d’actifs ne fait pas grand sens. Le directeur général de l’Unédic l’a expliqué devant vous : l’écart entre recettes et dépenses, s’agissant des CDD, représenterait alors un déficit de 5 milliards d’euros. Je n’ai vu personne chercher à calculer un déficit de l’Assurance Maladie limité aux patients, ou de la branche famille limité aux seuls ménages avec enfants…»
La volonté d’une exception culturelle
Pour terminer cet article, nous aimerions signaler que dans l’introduction de ce rapport, la commission a rappelé la façon dont François Mitterrand avait défini l’exception culturelle devant le parlement européen en 1995, alors que la culture nationale menaçait d’être engloutie par les négociations de l’Organisation Mondiale du Commerce : « L’exception culturelle, c’est l’idée que les oeuvres de l’esprit ne sont pas des marchandises comme les autres ; c’est la conviction que l’identité culturelle de nos nations, et le droit pour chaque peuple au développement de sa culture, sont en jeu ; c’est la volonté de défendre le pluralisme, la liberté, pour chaque pays, de ne pas abandonner à d’autres ses moyens de représentation, c’est-à-dire les moyens de se rendre présent à lui-même.»
Aujourd’hui, ça semble aller sans dire. Mais avouons que ça va beaucoup mieux en le disant !
Entre parenthèse, si ces leaders d’opinion (ou qui rêveraient de l’être) prenaient le temps de lire jusqu’au bout le fameux document relatif au régime de l’intermittence du spectacle publié par la Cour, peut-être découvriraient-ils qu’à la suite du rapport, sont publiés les réponses des Ministres concernés (Travail, Budget, Culture), du Président de l’UNEDIC, du D.G. de Pôle Emploi et du Président du fonds de professionnalisation et de solidarité (FPS). Est-ce que cela adoucirait leurs propos ? Non sûrement pas. Au fait, vous le saviez, vous, qu’ils y avaient des réponses publiées à la suite du rapport ? Probablement pas. On se demande bien pourquoi personne n’en parle.
Mais pourquoi personne n’en parle ?
C’est pourtant digne d’intérêt, non ? Ces responsables, qui connaissent le sujet sur le bout des doigts et qui apportent un éclairage plus large que la vision strictement mathématique, ne sont jamais repris par les commentateurs. Ne pourrait-on alors, soupçonner ces médias toujours pressés et ces prétendus experts de délibérément ignorer ces commentaires, sous prétexte qu’ils auraient le désavantage d’adoucir l’ensemble, de rendre la situation moins « vendeuse » pour les uns, et moins « sulfureuse » pour les autres ? C’est comme ça. Il ne faut pas se contenter de ce que l’on nous sert prémâcher. Pardon, vous n’en aurez probablement pas l’envie mais vous devriez les lire, ces points de vue. Car, au-delà d’être éclairants, ils ont la vertu de contrebalancer les propos bruts de la Cour et pourraient contribuer à tempérer les aboiements.
La plupart des médias, obnubilés par les seuls clignotants économiques et peu désireux de comprendre le fonctionnement des annexes 8 et 10 préfèrent continuer de titrer sur « ce régime scandaleux ».
Stable malgré tout
Rares sont ceux qui rappellent les conditions dans lesquelles le modèle d’indemnisation a été élaboré et mis en place en 2003 par une équipe de bras cassés irresponsables et incompétents. Et rares sont ceux qui enquêtent réellement, ne serait-ce que pour publier les chiffres de l’Unédic qui démontrent entre autre donnent un son de cloche bien différent.Et à la lecture du rapport de novembre 2013, rares sont ceux qui élargissent leur vision à la situation pourtant dramatique économiquement des autres précaires. Non ils préfèrent titre sur les intermittents. Pourtant, pour les CDD et les intérimaires, les 2 déficits cumulés représentent donc plus de 7 milliards en 2011. Alors que dans le même temps, celui du régime intermittent du spectacle est resté parfaitement stable, déficitaire mais parfaitement stable malgré la crise et l’augmentation des effectifs (estimée à 1% par an).
Attention. L’idée n’est pas de se réjouir du malheur des autres, ce n’est pas notre propos évidemment. Mais ce fait reste une information qui remet un peu les choses en perspective, vous ne pensez-pas ? Eh bien, il semble que seul « le quotidien du soir » ait retenu un titre qui change l’ambiance, et qui vise l’apaisement. Soudaine ouverture d’esprit ? Voire. A moins que le travail pointilleux d’une commission parlementaire spécialisée ne commence à éclairer les esprits de ceux qui s’intéressent réellement au sujet.