Intermittent du spectacle et différé d’indemnisation
La nouvelle formule de calcul du différé d’indemnisation (pour intermittent du spectacle), vous le savez, fait partie des dispositions de l’accord UNEDIC 2014 signé par les partenaires sociaux. Vous avez certainement vu, lu et entendu beaucoup sur ce sujet. Et notamment vous avez probablement compris la nature de l’injustice immense que provoquerait la mise en place de cette nouvelle équation si par malheur elle venait à être agréée par le Ministère du Travail (voir notre article sur ce sujet).
Démonstration au plus haut niveau
Il fallait que cette injustice soit démontrée à nos deux ministres concernés et nombre d’entre nous s’y sont employés par différents moyens. Cela sera-t-il suivi d’effet ? Il est trop tôt pour le dire. Espérons simplement que leurs conseillers seront un peu mieux informés que les quelques crétins qui font plus de mal que de bien sur les réseaux sociaux.
Car voilà, on le sait maintenant, les réseaux sociaux portent en eux les gènes des phénomènes dit pernicieux. Vous savez, « pernicieux » : se dit d’un phénomène qui commence bien mais qui finit mal. Car lorsqu’il s’agit de dénoncer une injustice, la bonne intention de départ a des conséquences rapides assez réjouissantes. Le nombre de « like » et de partages indiquent que la propagation est bien virale. Réjouissant je vous dis ! Et puis, patatras ! Y’a le petit malin de service qui veut sa part de gloire et qui, sans trop savoir de quoi il parle, décide de verbaliser sa colère pour tenter, à son tour, de la faire partager. À tout prix. Y compris, malheureusement, celui de la contre-vérité.
Dérapage contrôlé
Du coup, ça dérape et c’est la course à la « meilleure explication » ! Nous avons comme vous, finit par lire, sur le sujet, des inepties insupportables. Des emportements qui sont finalement les témoignages d’une méconnaissance crasse de la réglementation en vigueur. Croyant bien faire, certains relayaient ces déclarations sans prendre la peine de lire ce qu’ils propageaient en hurlant au scandale mais en s’appuyant sur des textes truffés d’erreurs et d’approximations. Ce faisant, ils rendaient la situation encore plus confuse et nuisaient à la compréhension de chacun, transformant un discours de colère justifié en une bouillie infâme et incompréhensible.
« Si tu veux qu’on te croit, il vaut toujours mieux affirmer une connerie que de bredouiller la vérité ! »
Pour notre part, à l’occasion, nous avons bien tenté de corriger certaines inepties qui nous passaient sous les yeux sur des pages à grande audience. Au travers de nos commentaires, nous redoutions que l’effet provoqué finisse par être inverse à celui recherché. Nous pensions qu’il fallait « informer en démontrant » et non pas « désinformer en bavant ». Mais nos « interventions », peut-être un peu naïves furent supprimées de ces fils de discussion. Pas assez intoxicantes, certainement ! Il ne fallait pas endiguer cette vague de colère même si elle reposait sur des conneries.
Intermittent du spectacle : non aux manipulations !
Et bien nous, nous pensons qu’on ne lutte pas contre la manipulation du camp d’en face par la manipulation de son propre camp.
Alors, bien informés par les réseaux sociaux ? Mon cul ! D’ailleurs, faites le test autour de vous : quel intermittent du spectacle de votre connaissance est capable aujourd’hui d’expliquer en quelques mots le différé d’actualisation, aussi bien l’actuel (celui en vigueur depuis 2003) que le futur (celui qui pourrait être mis en place s’il est approuvé) ? Pourtant, ils ont tous relayé les messages. Mais les ont-ils vraiment lus ? Et surtout, les ont-ils compris ?
Nous avons été les témoins d’une conversation aujourd’hui même sur le sujet. Deux de nos interlocuteurs intermittents du spectacle qui se pensaient bien informés, hurlaient (littéralement) au scandale. Ils utilisaient des arguments que nous avons pris la peine de rectifier car ils étaient erronés. Ils dénonçaient par principe la création d’un tel système expliquant avec force mouvement de bras qu’il fallait empêcher la mise en place d’un différé d’indemnisation (comme quoi ils n’avaient rien compris ni au motif de la colère ni à l’objectif poursuivi). En réalité, ils ignoraient qu’il existe déjà un différé d’indemnisation (franchise ou carence) dans la réglementation actuellement en vigueur. Informés, d’abords incrédules, ils se mirent ensuite à bafouiller, réduisant à néant le poids de leur discours. Un discours de colère pourtant justifié au départ. Mais mal informés, et incités à la colère, ils se sont simplement ridiculisés. Et voilà.
Voilà l’illustration d’un phénomène pernicieux : il commence bien mais il finit mal.
Déclaration de la Ministre de la Culture
Alors, maintenant que l’émotion est un peu retombée, voici ce que déclare notre Ministre de la Culture :
«J’ai commencé à en parler avec François Rebsamen (ministre du Travail) dès ce matin, a indiqué la ministre de la Culture Aurélie Filipetti. Il y a clairement une disposition qui me pose problème, c’est la disposition sur le différé du versement des droits.» «J’ai demandé une étude d’impact par mes services, a-t-elle ajouté, et au vu des résultats de cette étude d’impact, j’ai convenu avec François Rebsamen qu’on va se voir extrêmement rapidement pour pouvoir en tirer les conséquences, et le cas échéant alerter les partenaires sociaux sur les conséquences dramatiques que cela pourrait avoir sur certains artistes ou certains techniciens.» (Retrouvez l’intégralité de l’article de Libération du 4 avril 2014)
Donc, à force de se l’entendre répéter, il semblerait qu’Aurélie Filipetti ait fini par partager son inquiétude avec le fraîchement nommé Ministre du Travail, François Rebsamen. Aurélie aurait demandé une étude d’impact dont les résultats l’aurait incité à se rapprocher de François. Le bon sens et la justice vont-ils finir par l’emporter ? C’est ce que nous espérons tous. Et à la lecture des déclarations d’intention de l’attaché culturel au Maire de Dijon (« PAS TOUCHE AU STATUT DES INTERMITTENTS ») qui est aussi le Ministre du Travail, pour le coup, l’espoir change de camp (même si ce n’est pas un statut, Monsieur le Ministre, mais un Régime).
Plutôt que de hurler avec les loups ou de tenter par tous les moyens d’alimenter une vague de colère à des fins exclusivement politiques ou mercantiles, nous allons donc patienter et laisser les Ministres travailler. Mais nous resterons extrêmement vigilants et ne manquerons pas de vous tenir informés.
Et mille mercis pour tous vos chaleureux et réguliers témoignages de confiance.