Cour des comptes et intermittence
Le rapport du 26 novembre 2013 de La Cour des Comptes sur l’intermittence ouvre la porte pour la première fois à une conclusion différente de celle de d’habitude : les intermittents ne seraient pas les principaux responsables du déficit de l’Assurance-Chômage ! (voir l’excellent article de Camille Bordenet sur lemonde.fr). Voilà qui surprend et qui nous change du discours ambiant auquel nous avons droit depuis 2007.
En effet, depuis la réforme ratée du régime intermittent du spectacle en 2003 et son ajustement en catastrophe en 2007, plutôt que de s’attaquer intelligemment au problème, il était convenu de ne rien faire et de laisser infuser le message suivant : « Le régime des Intermittents du Spectacle est un scandale sur le plan comptable. Il est déficitaire d’un milliard. Il doit donc être supprimé ! » Pain béni pour les détracteurs du système qui peuvent donc répéter : « Si la Cour des Comptes le dit, c’est indiscutable et c’est urgent ! ». Puis de sous-entendre, sourire convenu :« … En plus, ça remettra tous ces fainéants d’intermittents au boulot. »
Le bal des populo-polémistes à deux francs
Dès lors, pour toute une frange de commentateurs professionnels ou amateurs qui n’en espéraient pas tant, il était courageux et « décomplexé politiquement » d’oser pointer du doigt les conditions d’indemnisation. Celles réservées aux professionnels relevant des fameuses annexes 8 & 10 (sans rien y comprendre). D’autant que, crise aidant, la situation économique du pays allait encore s’aggraver. Il était vital de supprimer cette niche de privilégiés si l’on ne voulait pas que la France plonge dans des difficultés au moins équivalentes à celles de la Grèce ! Les médias peu scrupuleux aux couvertures racoleuses, les populo-polémistes ringards d’une radio (vraiment) périphérique, les donneurs de leçons économiques (systématiquement dans l’erreur depuis années) et les aigris de tout poil s’offrirent donc l’adhésion facile de leurs audiences respectives en réclamant purement et simplement la suppression de l’intermittence comme préalable au redressement du pays.
Mais qu’en est-il réellement ? Logique irréfutable puisque comptable, nous dit-on. Très bien. Donc pour faire des économies, supprimons les CDD et les intérimaires.
Des propositions comptables
Ces chiffres « incontestables » qu’on nous présente ont-ils du sens ? Pour les amoureux des logiques exclusivement mathématiques, oui. Rappelons que la Cour des Comptes ne fait que son métier de consultant. Elle compare des chiffres, et propose des solutions purement comptables dont elle n’a même pas à assumer les conséquences. Ces propositions sont sans considération sociale. Les détracteurs de l’intermittence s’en réjouissent et s’en régalent toujours.
Ainsi, jusqu’à parution de cet excellent article du journal Le Monde, personne ne semblait vouloir ou pouvoir contrebalancer le discours ambiant. Alors, nous avons décider d’interpréter le dernier rapport. Et il nous semble que selon la même logique et dans l’objectif louable de réduire le déficit global, le mode d’indemnisation de tous les CDD et de tous les intérimaires va devoir être supprimé d’urgence, puisqu’en cumulé, les deux déficits représentaient en 2011, plus de 7 milliards d’euros ! De quoi assainir d’un coup les finances de la nation, non ?
Non, pardon. C’est absurde…
Interprétation loufoque ? Oui, mais ce sont ces déficits comptables que la Cour des Comptes, s’est vue naturellement contrainte de surligner il y a 15 jours. Là encore, elle fait son métier. Car, même si elle n’oublie jamais de tacler le régime d’indemnisation intermittent du spectacle, elle doit maitenant, pour rester cohérente, élargir son discours réprobateur au modèle d’indemnisation des autres contrats précaires qui sont dans le rouge ! Hélas, c’est non seulement absurde en période de crise parce que c’est une conséquence inévitable du rôle d’amortisseur de l’Assurance-Chômage, mais c’est surtout oublier le fondement de notre modèle social, basé sur la solidarité inter-professionnelle. En arriver là, c’est bien la preuve que le point de vue mathématique ne doit surtout pas être le seul. Surtout pas.
Et les intermittents alors ?…
A la lecture des chiffres, nous constatons que malgré l’aggravation de la situation économique entre 2008 et 2011, le déficit lié à l’intermittence n’a absolument pas plongé comme l’avait prédit les spécialistes (et paf, encore dans l’erreur…). Quelle que soit la situation économique et malgré la progression annoncée du nombre d’intermittents du spectacle (+ 1% par an), le déficit est resté parfaitement stable. Oui. Stable. Faut-il s’en réjouir ? Certainement pas, c’est le noeud du problème ! Ça confirme que la cause est structurelle, autrement dit que ce sont les règles (et aussi le mauvais usage que certains en font parfois) qui rendent ce système déficitaire de façon chronique. Oui, certaines règles vont devoir changer pour qu’il soit plus équilibré. Et c’est là que MesCachets.com intervient aux côtés de celles et ceux qui dépendent de ce régime d’indemnisation afin de les aider.
Simulation, Monsieur l’Arbitre !
Ce faisant, n’oublions pas que le protocole de 2003 élaboré par des technocrates irresponsables et imposé par des incompétents a rapidement produit des effets pervers. Par exemple, dès leur mise en place, les nouvelles règles ont mis en danger les plus vulnérables d’entre tous : les femmes enceintes. Si ça n’est pas une réforme d’assurance sociale bâclée, ça…
Bref. Oui ! Revoyons les règles, mais tirons les enseignements de ces dix années passées, veillons à préserver les droits des plus faibles, à corriger les inepties et, plus difficile, efforçons nous de ne pas déstabiliser tout un secteur économique en pleine croissance en faisant n’importe quoi. L’Unédic dispose d’outils et de données lui permettant de faire des simulations grandeur réelle. Histoire de voir ce qu’il se passerait avant d’instaurer des nouvelles règles. Ce serait intelligent, pour une fois, non ?